Membre du Syntec numérique, Hervé de Belenet souligne l’importance des “parcours vieillesse” dans les zones urbaines.

 

Quels sont les enjeux que pose aux politiques publiques le vieillissement de la population ?
Il faut d’abord s’entendre sur la définition de la vieillesse : les besoins et les enjeux ne sont pas les mêmes pour des personnes âgées actives, des personnes âgées fragiles et des personnes âgées dépendantes. Il y a donc plusieurs axes pour les politiques publiques, parmi lesquels la prévention, avec la télésurveillance notamment, et la sécurisation du maintien à domicile lorsque la personne âgée devient dépendante. Mais l’écosystème est très complexe entre les financeurs, les institutionnels, les sociétés de service (portage à domicile…). Et pour l’heure, aucune politique nationale n’existe. Seules sont menées des expérimentations pour mieux organiser le parcours vieillesse en permettant une meilleure collaboration entre professionnels de santé. C’est ce qu’on appelle le care-management, que la loi “Santé” promulguée le 26 janvier dernier promeut en définissant ce que sont les équipes de soins hors hôpital. Les personnes âgées doivent donner leur consentement pour que les professionnels de santé qui les suivent puissent se transmettre l’ensemble des informations qui concernent leur état de santé.
Par ailleurs, depuis la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) de 2009, la télémédecine est expérimentée à travers la télé-expertise, la téléconsultation et la télésurveillance. Par exemple, l’ex-région Rhône-Alpes expérimente une balance connectée afin de suivre la prise de poids de personnes âgées insuffisantes cardiaques ou diabétiques, pour prévenir des malaises ou une décompensation. Le problème aujourd’hui, c’est que le cadre juridique de la télémédecine n’est pas clair et on ne sait pas qui financera finalement la téléconsultation qui réunira deux médecins…

Que préconise le Syntec numérique, qui a rédigé un livre blanc sur la “révolution du bien-vieillir” ?
Le Syntec estime que nous ne pouvons plus nous cantonner à de la simple expérimentation. L’enjeu du vieillissement est de taille, alors donnons-nous les moyens d’y répondre ! Il faut donc passer à la phase suivante, qui est celle des projets industriels, car derrière, il y a des entreprises qui produisent des logiciels et si l’on veut un modèle économique avec des prix cohérents, il faut donner des perspectives de marché plus larges.

Quel doit être le rôle des métropoles ?
Avec la réforme territoriale, on peut penser que monteront en puissance des projets plus substantiels qu’à l’heure actuelle et donc plus de mutualisations. Les collectivités locales, et particulièrement les métropoles, sont des partenaires des agences régionales de santé (ARS), qui épousent la réforme des nouvelles régions puisque leur nombre est porté à 13. Les collectivités locales ont un rôle important à jouer pour contribuer au maintien des personnes âgées à domicile et pour prévenir les risques liés à la vieillesse et assurer le bien-être des personnes âgées. Mais la question qui fâche est encore celle du financement : qui paie toute cette politique servicielle ? Les métropoles le pourront-elles ? Un certain nombre de ces services ne peuvent-ils pas être proposés par des sociétés d’assurance ou des mutuelles ? La MGEN [mutuelle de l’éducation nationale, ndlr] a pris les devants en proposant à ses adhérents du conseil médical et des services de télémédecine. Les métropoles doivent donc identifier des modèles de financement innovants, car c’est la principale contrainte pour mener leurs politiques publiques.
Les métropoles doivent aussi évaluer quelle est l’appropriation par les personnes âgées des technologies domotiques et des objets connectés qu’elles leur proposent. Car certaines les perçoivent comme une intrusion. On ne pourra passer à un mode industriel que si nos gouvernants sont convaincus de l’intérêt de ces technologies. Le Syntec réfléchit actuellement à rédiger un nouveau livre blanc qui proposera des modèles économiques prouvant que les technologies liées au “bien-vieillir” peuvent donner un vrai retour sur investissement.

Le marché de la “silver économie” restera-t-il franco-français ?
C’est tout l’enjeu. Beaucoup de nos start-up françaises s’expatrient faute de voir les diverses expérimentations déboucher sur des politiques industrielles véritables. Dans la télémédecine, nombre de start-up françaises étaient précurseures, mais le contexte réglementaire et l’absence de marché immédiat font qu’elles s’exportent de plus en plus. Notamment à Boston, aux États-Unis, où s’est constitué un écosystème de santé considérable. Quant aux objets connectés et aux capteurs de télésurveillance, le marché a déjà largement échappé à la France, car ils proviennent déjà majoritairement de l’étranger.

Propos recueillis par Soazig Le Nevé

Source : http://www.acteurspublics.com/2016/05/27/herve-de-belenet-les-metropoles-doivent-identifier-des-modeles-de-financement-innovants-du-bien-vieillir

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