L’Association espagnole des services à la personne (AESP) est la principale représentante des entreprises de services à la personne en Espagne. M. Javier Benavente Barron, président de l’AESP, présente pour les lecteurs de la lettre du CIR-SP, l’activité de son organisation et les enjeux du secteur des services à la personne dans un pays au sein duquel l’économie informelle demeure encore très importante et les politiques publiques en direction de ce secteur reste encore balbutiante.

Cet entretien a été réalisé avec la collaboration active de Mme Alicia Novalvos Sanz, coordinatrice générale de l’AESP.

CIF-SP : Monsieur Javier Benavente Barron, pouvez vous nous dire en quelques mots quelle est l’origine de votre association et son objectif  ?

Javier Benavente Barron : L’AESP (Association espagnole des services à la personne), est une association d’entreprises dont les activités sont en rapport avec les services à la personne.
Constituée en avril 2009, elle està but non lucratif. Au delà de tout caractère politique ou idéologique, l’objectif de l’AESP est de contribuer avec les pouvoirs publics et les agents sociaux à la création d’une régulation propre à l’Espagne qui facilite le développement du secteur des services à la personne, et qui permette l’essor du secteur à l’appui d’un cadre propice et avantageux pour toute la société et d’une manière semblable à celle de certains pays européens.

En France et en Espagne, de nombreuses problématiques apparaissent similaires (vieillissement, travail salarié croissant des femmes…). Pensez-vous qu’il y ait un marché des services à la personne en Espagne ?

Le secteur des services à la personne sera à ne pas douter, un de plus grands gisements d’emploi et de développement pour les entreprises en Espagne en raison des demandes actuelles de la société espagnole. Nous nous retrouvons en effet face à une forte croissance de population senior qui demande des services qui puissent donner une réponse efficace à leurs nouveaux besoins. Aussi les personnes ont besoin des services pour réussir leur développement professionnel, sans renoncer à leur vie personnelle et familiale. Compte tenu des caractéristiques géographiques et climatologiques, l’Espagne a pour objectif de devenir un des principaux pôles du tourisme des personnes âgées. Pour ce faire, le développement d’un secteur de services à la personne qui le soutienne constitue un besoin incontournable.

En France ce secteur apparaît comme une opportunité pour développer l’emploi, même pendant la crise. Aussi, aider ce secteur spécifique c’est également appuyer toute l’économie. Le gouvernement espagnol entend-il ce type d’arguments ?

Au niveau de l’AESP, nous transmettons et relayons les bons résultats en matière de création d’emploi et d’amélioration de qualité de vie, du fait des politiques publiques mises en place dans des divers pays européens, dans le cadre des services à la personne. Nous présentons au gouvernement, comme aux communautés autonomes les mesures que nous considérons adéquates, qu’il s’agisse des résultats en matière de bonnes pratiques, de l’accès de la plupart des personnes, là où ils se trouvent, tant au milieu urbain comme rural, à des services de qualité…

Pensez-vous que le cadre européen puisse être un appui pour développer le secteur des services à la personne et si oui de quelle manière ?

 Au niveau de la Communauté européenne ces questions sont traitées depuis longtemps.

La création d’emploi et des meilleurs postes de travail, plus adaptés aux demandes du marché du travail, la quête du « bien être » de la société, la conciliation de la vie personnelle et professionnelle, l’attention aux personnes, l’échec scolaire, sont tous des sujets étroitement liés et il y a plusieurs initiatives et démarches qui, au niveau communautaire se produisent et qui sont en rapport avec le secteur des services à la personne.

Au sujet des nouveaux besoins ou du marché du travail, nous avons eu l’occasion de les apprécier lors de la IIIème Conférence Européenne des services à la personne, que nous avons eu l’honneur d’organiser au mois d’octobre 2010 à Madrid. Au cours de cette rencontre, nous avons pu faire nôtre la préoccupation qu’expose Eurofound sur la reconnaissance des employés dans le secteur et le besoin de retenir des travailleurs qualifiés par le biais d’une amélioration de la qualité de l’emploi (à travers des nouvelles technologies, la formation, la rémunération…). La question d’offrir une progression professionnelle et des salaires adaptés s’avère fondamentale.

En matière de mesures fiscales pouvant accompagner le développement du secteur, on remarque que la Directive du Conseil Européen sur la TVA, autorise désormais à appliquer un taux de TVA réduit sur les services « à forte intensité de main d’œuvre », prestés au niveau local, parmi lesquels peuvent être intégrer certains services à domicile. En Espagne, il a été introduit récemment certaines reformes partielles allant dans cette direction.

Il existe une TVA réduite pour les services à l’attention des personnes dépendantes et également un taux de TVA réduit pour certaines activités à forte intensité de main d’œuvre, comme les services de rénovation et de réparation des logements.

En ce sens, il pourrait être introduit des réformes additionnelles dans le secteur, qui aident à réduire à court terme le taux de chômage élevé dans le secteur.

Nous attendons aujourd’hui que notre gouvernement mette en place différentes mesures en ce sens.

En France quelques 400 000 assistantes maternelles travaillent à leur domicile pour garder les enfants. Quelle est la situation en matière de garde d’enfant en Espagne ?

En Espagne, suite aux données d’une enquête de IMSERSO (Institut de Personnes âgées et services sociaux), menée il y a deux ans, nous savons que près des ¾ des grands-mères âgées de plus de 65 ans gardent leurs petits enfants ou les ont gardés auparavant.

D’après la même enquête, nous constatons que 22% de ces grands-mères âgées de plus de 65 ans élèvent leurs petits enfants, dont 44% le font chaque jour, 30% quelques jours par semaine et 25% de manière occasionnelle.

Selon le Ministère de l’éducation, en 2007-2008, plus de 20% des enfants âgés de moins de 3 ans sont scolarisés alors que 43% des familles sont demandeuses de tels services. De surcroît cette demande est en augmentation (3% de parents en plus par rapport aux chiffres de l’année précédente).

Selon une enquête de IMSERSO (Institut de Personnes âgées et services sociaux), la plupart des mamans ont des horaires incompatibles avec ceux des écoles, ce qui accroît le besoin d’avoir recours à une personne pour la garde de leurs enfants.

Par ailleurs, suite aux données du Baromètre du centre d’investigations sociologiques (CIS) du mois de février 2009, sur un total de 2 500 personnes enquêtées 54,1% d’entre elle pensent que pour les enfants de moins de trois ans, il est plus convenable de recourir à une garderie ou école infantile, plus que de rester à la maison.

L’économie sous-terraine apparaît fortement développée en Espagne. Comment lutter selon vous efficacement contre cette situation et quelles sont les mesures pouvant faciliter l’émergence des entreprises dans ce secteur ?

À l’heure actuelle la plupart des personnes et familles ne peuvent pas accéder aux services à la personne, du fait des coûts élevés pour leur budget. Ils ne peuvent pas, de surcroît, déduire ces coûts de leurs impôts comme étant des frais nécessaires pour diriger leur activité professionnelle et faciliter leur vie quotidienne. Dans ces conditions, quand ils accèdent à ces services, ils le font, dans la plupart des cas, au travers de l’économie souterraine ou du travail non déclaré. Le respect de la législation actuelle (travail, fiscalité, TVA et cotisations sociales) et les démarches nécessaires à l’embauche d’un salarié ne facilite pas le recours à ces services.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que l’AESP propose une série de mesures qui aideraient à sortir ces services de l’économie souterraine. Cela pourrait passer par  :

– La mise en place d’avantages fiscaux et des allègements de cotisations sociales : TVA nul ou réduite, déduction dans l’impôt sur le revenu et réductions des cotisations sociales pour les entrepreneurs du secteur.

– Une régulation du contrat de travail dans le secteur, adaptée aux besoins des usagers.

Pour en savoir plus sur l’AESP : http://www.aesp.es

blog de son président : www.javierbenavente.com/