Après la commission des lois et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable – qui se sont penchées sur certains articles du texte (voir notre article ci-contre du 21 juillet 2015) -, la commission des affaires sociales du Sénat a examiné et adopté le projet de loi relatif à la santé, juste avant la fin de la session extraordinaire. Le texte viendra en séance publique devant les sénateurs à partir du 14 septembre prochain (pas moins de neuf journées sont programmées, plus deux journées en réserve…).

Un retour du Ddos ?

La commission des affaires sociales en a profité pour faire un sérieux ménage dans le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril dernier (voir notre article ci-contre du 15 avril 2015). Celui-ci a en effet connu une inflation de son contenu. Fort de 57 articles à l’origine, le texte est ressorti de l’Assemblée avec pas moins de 209 articles, dont 58 ajoutés par le gouvernement à son propre texte et huit entièrement réécrits pas ses soins (voir notre article ci-contre du 24 mars 2015).
La commission des affaires sociales du Sénat – qui a examiné 477 amendements et en a adopté 206 – a ainsi supprimé 50 articles. Dans un long communiqué du 23 juillet, le Sénat explique que « derrière un intitulé flatteur visant la ‘modernisation de notre système de santé’, se présente en réalité un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre sanitaire dont le caractère disparate, plus souvent déclaratif que normatif, a été fortement accentué lors de l’examen par l’Assemblée nationale ».
Si le texte issu de l’Assemblée comportait effectivement de nombreuses dispositions relevant – au mieux – d’un arrêté ou d’une circulaire (voir notre article ci-contre du 15 avril 2015), le souci de l’ordre juridique n’est toutefois pas la seule motivation du Sénat. La commission des affaires sociales a en effet supprimé certaines dispositions très politiques, comme la généralisation du tiers payant à compter de 2017 (article 18) ou l’instauration du paquet de cigarettes neutres (art. 5 decies), qu’elle propose de remplacer par un espace accru réservé à des messages sanitaires.

Oui au pacte territoire-santé, mais pas dans la loi…

Parmi les dispositions intéressant les collectivités, la commission des affaires sociales a supprimé le long article – introduit par le gouvernement à l’Assemblée – relatif au « pacte territoire-santé » (art. 12 ter), qui « a pour objet d’améliorer l’accès aux soins de proximité, en tout point du territoire ». Les sénateurs ne sont pas forcément hostiles au principe, mais ils estiment que cet article procède « d’une pure volonté d’affichage, n’ajoutant rien au droit existant, ni aux dispositifs que le gouvernement peut déjà mettre en œuvre sans modification législative ».
En revanche, la commission s’est montrée hostile aux dispositions relatives à l’organisation territoriale des soins. Cette suppression tient aux conditions d’élaboration de cet article, sans « véritable concertation en amont du dépôt du projet de loi [et] menée tambour battant, aboutissant à une réécriture en urgence des principaux articles à la veille de l’examen en commission à l’Assemblée nationale ». Elle tient aussi au « profond rejet des professionnels de santé, alors même que leur adhésion était indispensable à la ‘réforme structurelle’ annoncée par le gouvernement en vue de renforcer leur coopération et d’améliorer la coordination des soins ».

Non aux communautés professionnelles territoriales de santé

Estimant que l’abandon par le gouvernement – dans les modifications introduites juste avant l’examen par la commission de l’Assemblée – du « service territorial de santé au public » au profit d’ »équipes de soins primaires » et de « communautés professionnelles territoriales de santé » n’a « que partiellement pris en compte la nécessité de bâtir ces formes de coopération autour des initiatives de terrain et des dynamiques professionnelles », la commission a remplacé les communautés professionnelles territoriales de santé par un renforcement des pôles de santé institués par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) du 21 juillet 2009 (article 12 bis).
Elle a également rendu ce dispositif facultatif – condition jugée indispensable pour qu’il fonctionne réellement – et a, par conséquent, supprimé le pouvoir coercitif conféré aux ARS en cas de carence des initiatives locales.

Des élus au sein des GHT, mais pas de restriction à l’installation des médecins

Retour également à la loi HPST avec la modification de l’article 26, qui maintient – contrairement au texte initial du projet de loi – la possibilité, pour les cliniques, de participer au service public hospitalier. De même, la commission a maintenu les dispositions du texte relatives aux groupements hospitaliers de territoire (GHT, art. 27), mais elle en a modifié la rédaction, afin qu’ils se fondent sur un projet médical partagé et non sur une décision de l’ARS. Au passage, elle a renforcé la place des élus au sein des GHT, en prévoyant qu’ils siègent au sein du comité stratégique.
En revanche, la commission des affaires sociales n’a pas adopté l’amendement proposé par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui prévoyait des dispositions coercitives pour l’installation des médecins libéraux (voir notre article ci-contre du 21 juillet 2015). Elle s’est contentée d’instaurer une obligation, pour les syndicats de médecins et l’assurance maladie, de négocier sur cette question lors du renouvellement des conventions médicales.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : projet de loi relatif à la santé (adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015, examiné par la commission des lois et par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 15 juillet 2015).

Source : localtis.info