Une conférence débat organisée par la Caisse des dépôts et La Tribune sur la transition démographique a permis, hier matin, à la ville de Limoges et l’ex-région Limousin, aujourd’hui Nouvelle-Aquitaine, de montrer qu’elle était en pointe dans le domaine de la Silver Economie.

C’est tout sauf un hasard si la Caisse des dépôts a choisi Limoges et la technopole Ester pour organiser la troisième des quatre étapes de conférences-débats consacrées aux « transitions » et qui ponctuent, dans toute la région Nouvelle-Aquitaine, l’année du bicentenaire de sa création. Cette nouvelle conférence-débat, qui comme les précédentes était accompagnée par La Tribune, avait en effet pour thème la « transition démographique et la silver économie ».
Une économie du vieillissement que le Limousin, confronté à une pyramide des âges inversée au regard de sa population, aborde de manière concrète depuis plus de 10 ans… bien avant même la création du concept de silver économie.
Une avance donc « par obligation » transformée en véritable opportunité économique. C’est ce que rappelait Gaston Chassain, vice-président de la communauté d’agglomération Limoges Métropole et vice-président d’Ester Technopole, en ouverture de l’évènement.
Une avance locale qui a été confirmée dès les premiers mots de son intervention par l’expert national de la silver économie, Luc Broussy, président de France Silver Eco, auteur en 2013 du rapport sur l’adaptation française au vieillissement de la population.

Vieillissement = la fin d’un concept anxiogène ?

Rapport qui, en outre, a posé les bases de l’émergence de la nouvelle économie transversale.

« Limoges et sa région font partie des territoires les plus avancés dans cette économie qui fait du neuf avec des vieux », glissait, un brin provocateur, le président de France Silver Eco. Rappelant au passage que le marché qui se présente aux acteurs, publics bien sûr, mais surtout privés de cette économie est énorme. « Aujourd’hui, la France compte 1 million de personnes dépendantes sur 1,6 million de personnes âgées de 85 ans et plus. En 2050, ces 85 ans et plus seront plus de 5 millions, dont 3 seront encore valides… arrêtons de parler du vieillissement comme quelque chose d’anxiogène, le concept de vieillissement doit être abordé de manière positive », assure Luc Broussy.

Positif au moins sur le plan de l’emploi car, selon la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), l’engagement des grands groupes, PME et startups dans le champs de la silver économie devrait générer 300.000 emplois d’ici à 2020, autant dire demain.

« La silver économie est une opportunité. Elle révolutionne des pans entiers de notre économie. Une révolution accélérée par l’émergence de startups qui voient de plus en plus distinctement dans la silver économie un axe de développement porteur et pérenne. »

Autonom’Lab, living lab unique en Europe

Une conviction que partage le pneumologue au CHU de Limoges, élu au Conseil régional, François Vincent, président d’Autonom’Lab, une structure unique en France, créée sous forme associative en 2006, mais désormais groupement d’intérêt public associant Conseil régional, Caisse des dépôts, ARS, usagers, acteurs économiques, territoires, recherche et formation.

« Autonom’Lab est, notamment, un living lab, le premier laboratoire d’innovation d’Europe spécialisé dans la santé et l’autonomie », explique François Vincent.
« La structure Autonom’ Lab identifie les besoins exprimés par les citoyens, et cherche les solutions dans le tissu entrepreneurial local. Elle assure donc la mise en relation entre les porteurs de projets innovants adressant le marché de l’autonomie et du vieillissement, et celles et ceux auxquels le projet s’adresse. Nous veillons donc à intégrer l’usager dans le processus de mise au point du produit ou service innovant », ajoute le président d’une structure unique et légère, six ingénieurs, pourtant impliquée dans 8 projets nationaux et 3 projets européens.

Il n’est pas d’ailleurs pas exclu que dans un avenir plus ou moins proche Autonom’Lab puisse attribuer un véritable label aux projets innovants issus de la silver économie. Des démarches allant dans ce sens sont en cours avec l’organisme certificateur Afnor.

Sanilea, disrupteur du secteur du transport sanitaire

Peut-être pas encore certifiées, mais déjà validées par les professionnels du transport sanitaire, les innovations portées par la startup limougeaude Sanilea en font une pépite économique potentielle du secteur de la santé en général et de la silver économie en particulier.
La société qui a vu le jour en 2013 dans la pépinière d’Ester Technopole, démarrée à deux (David Chiron et Fabien Soarez), compte désormais 20 salariés.
Spécialisée dans la mise au point de systèmes d’informations innovants, Sanilea propose aux différents strates du secteur de la santé, à commencer par les transporteurs sanitaires, les médecins, établissements de santé… et les patients des solutions logicielles interconnectées leur permettant de gérer facilement et rapidement les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien (commande de transports sanitaires, stockage de données patients de manière sécurisée, agenda, messagerie).

« Dans un secteur comme le transport sanitaire, qui représente 4 Md€ de dépenses par an, nos solutions font gagner du temps à tous les maillons de la chaîne, transporteurs comme établissements de santé », expliquait David Chiron, DG de Sanilea.

Illustration concrète de cette évolution : un des outils métiers, entraînant beaucoup  de simplification administrative, proposé par Sanilea et testé au sein d’une clinique de Limoges, a permis d’économiser beaucoup de temps aux personnels de santé, « l’équivalent de 4 temps pleins sur une année », explique David Chiron avant de préciser, « c’est autant de temps rendu à l’exercice de leur vrai métier, et donc aux patients en bout de chaîne », explique le DG de Sanilea.
Une société qui, en outre, est actuellement en train de développer, en collaboration avec le carrossier Guaud, spécialiste de l’aménagement de véhicule de transport sanitaire, la première ambulance connectée, « capable de transmettre, en temps réel ou de livrer instantanément aux personnels de santé des urgences par exemple, toutes les informations de santé d’un patient transporté depuis sa prise en charge jusqu’à son arrivée dans l’établissement hospitalier. »

Limoges est en avance

Démarrée il y a seulement trois ans dans un tout petit bureau de la technopôle Ester, l’aventure de Sanilea, qui s’apprête à réaliser 1,5 M€ de CA en 2016 et à le doubler dès 2017, va déboucher sur la construction d’un site dédié et d’un data center.
Une réussite qui ne surprend pas Luc Broussy.

« Oui Limoges et sa région sont en avance sur beaucoup d’autres régions en France, et même en Europe sur la silver économie, mais ce type de trajectoire ascendante dans l’économie du vieillissement est courant en France désormais car nous sommes en avance sur bien des pays européens dans ce domaine. La loi ASV d’Adaptation de la société au vieillissement adoptée en début d’année pose les conditions favorables à l’émergence de telles réussites entrepreneuriales », explique l’expert et le grand témoin de la conférence débat organisée par la Caisse des dépôts qui, par la voix de Barbara Belle, sa directrice à Limoges, rappelait, en fin de matinée, qu’elle est un acteur qui est historiquement impliquée dans la réussite de la transition démographique.

La silver économie française exportable ?

« Nous sommes notamment partenaires de Autonom’Lab mais nous sommes aussi, et c’est notre vocation depuis 200 ans, via notre politique de prêts et d’investissements, un acteur de la perte d’autonomie. Nous sommes impliqués sur ce territoire limousin dans des évaluations médico-économiques d’expérimentations de télémédecine. Nous sommes un partenaire financier pour de nombreux projets de rénovation, restructuration, extensions d’Ehpad. Bref, nous sommes à même ici en Limousin de faire d’un potentiel « handicap », à savoir le vieillissement de la population, un vecteur de croissance », précisait Barbara Belle.

Une approche résolument positive qui donnait l’occasion à Luc Broussy de conclure :

« En France, du fait de nos contraintes réglementaires que nous aimons stigmatiser régulièrement, du fait de notre loi ASV, nous sommes en avance sur le monde dans beaucoup de domaine de la silver économie. Notre réglementation, nos normes nous ont permis de voir émerger de très grands acteurs dans le domaine des Ehpad par exemple. Des acteurs qui ont une aujourd’hui une légitimité qui leur permet de gagner des contrats à l’export dans des pays confrontés à la problématique du vieillissement, notamment en Chine ! »

Parce qu’elle répond à un problématique qui n’est pas seulement française, voire européenne, la silver économie est sans doute une filière qui devrait aussi permettre aux entreprises françaises, limougeaudes ou non, de briller à l’export.

Source : http://objectifaquitaine.latribune.fr/business/2016-10-21/limoges-capitale-de-la-silver-economie.html

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