L’UNA, l’un des tous premiers réseaux de structures d’aide à domicile s’est doté récemment d’un nouveau Directeur. Pour le monde de services à la personne ce n’est pas un inconnu puisqu’il s’agit d’Yves Vérollet, spécialiste reconnu de ce secteur, syndicaliste de la CFDT, membre Conseil Économique Sociale et Environnemental (CESE) et auteur de deux rapports pour le compte de cette institution, très largement commentés au moment de leur parution (Le développement des services à la personne, janvier 2007, Les services à la personne, Avis de suite, novembre 2008).

Il revient pour nous sur les grands défis et les grands enjeux auxquels est confrontée l’UNA dans le nouveau contexte politique et social à l’issue de la séquence électorale qui vient de s’achever.

 

CIR-SP : Que représente le réseau UNA aujourd’hui en France ?

Yves Vérollet : L’UNA, sur la base de nos dernières statistiques, regroupe environ 1100 structures adhérentes. Il s’agit pour l’essentiel d’associations mais on retrouve également un certain nombre d’organismes mutualistes ou encore des CCAS.

Nos 1100 structures regroupent un peu moins de 130000 salariés pour environ 775000 personnes aidées (dont 640000 personnes âgées et près de 50000 personnes handicapées), On compte également environ 40000 personnes suivies au titre de l’action sociale, mais aussi un certain nombre de services développés de manière relativement importante ces dernières années dans le secteur de la petite enfance (gestion de crèches, service de garde à domicile…). Nous regroupons enfin un peu moins de 300 SSIAD.

L’UNA a une forte implantation dans l’Est de la France, Rhône Alpes… mais dans certaines zones l’implantation y est plus faible, sans pour autant qu’il existe de véritable  zone de vide.

Nous sommes considérés comme le premier réseau d’aide à domicile. Le chiffre d’affaire global de notre réseau avoisine les 2 milliards d’euros.

 

Qu’est ce qui fait l’originalité, sinon la spécificité de l’UNA dans le paysage de l’aide à domicile et des services à a personne ?

 Je pense que la particularité de l’UNA réside dans le fait qu’elle est à la fois un syndicat d’employeur, négociant la convention collective, et un mouvement militant très fort. De ce fait, elle est parvenue à agréger en son sein des structures d’origines diverses et à tisser des liens avec de nombreuses organisations de l’économie sociale comme par exemple la Mutualité française. L’UNA a toujours participé aux débats sur les grands enjeux en matière d’évolution du secteur médico-social, telle que la loi de 2002 qui a permis au secteur de l’aide à domicile d’intégrer le champ du médico-social, les différents débats sur la réforme de la dépendance…

L’UNA est toujours parvenue jusqu’ici à marcher sur ses deux jambes, syndicats d’employeurs et mouvements militants s’inscrivant pleinement dans l’économie sociale et solidaire.
 

 

Cette spécificité n’est-elle pas mise à mal par les mesures du législateur de ces dernières années (Plan Borloo, concurrence du secteur privée lucratif…) ?

La maison UNA dans laquelle je n’étais pas à ce moment-là, a vécu de manière assez forte les débats autour des services à la personne après la loi Borloo. Aujourd’hui, les différents débats dans la fédération UNA ont fait que c’est un réseau qui estime que son métier premier est de se concentrer sur les personnes en situation de fragilité aux deux bouts de la chaîne de la vie, aussi bien les personnes âgées, les personnes handicapées que la partie petite enfance. Il y a aussi historiquement un grand nombre de services UNA en direction des familles en difficultés sociales

En fait, dans les services Borloo il y a trois grands piliers : les services à destination des jeunes enfants, ceux liés aux PA PH et enfin un gros secteur lié au ménage, repassage. Sur ce dernier secteur pour lequel nous aurions pu imaginer nous investir facilement par extension de nos services d’accompagnement, les structures se sont finalement aperçues que plus elles se professionnalisaient moins leurs salariés avaient envie de se transformer en auxiliaire de vie sociale le matin et en employé de ménage l’après-midi.

Nos services ont plus envie de se spécialiser vers la prise en charge de la dépendance de type APA en  diminuant l’aspect GIR 5 ou 6, non pas quand il s’agit de services de prévention mais quand il s’agit surtout de ménage.

A titre personnel, je pensais qu’assez naturellement les choses allaient pouvoir se combiner et cela permettrait de résoudre le problème des temps partiels non choisis. Mais l’expérience de nos structures montre que faire les deux apparaît finalement peu compatible car ce ne sont pas les mêmes métiers. Et en outre les durées du temps de travail sont en constante et régulière augmentation pour atteindre en moyenne à UNA aujourd’hui un peu moins d’un ¾ temps.

Par ailleurs, l’UNA a un peu payé économiquement son engagement dans le cadre du plan Borloo en créant par exemple avec la MACIF et la Mutualité française une enseigne officielle  qui s’est avérée être un échec financier.

 

Vous êtes connu pour vos engagements au sein de la CFDT et votre travail au sein du  Conseil économique, social et environnemental (CESE). On peut de prime abord être étonné de vous voir à un tel poste. Comment êtes-vous arrivé au sein de l’UNA et quelle est votre mission en son sein ?

 Ce n’est pas totalement extraordinaire que j’arrive à l’UNA. J’ai œuvré au sein du CESE en produisant des avis sur les service à la personne. Par ailleurs, j’ai contribué au titre de la confédération CFDT au travail sur le champ de la dépendance depuis quelques années.

Les mouvements de type fédérations de l’aide à domicile, je les fréquentais et je dispose d’une connaissance de ces organisations.

Avec l’UNA, nous nous sommes retrouvés dans le cadre des débats sur la dépendance sur des positions assez voisines, qu’il s’agisse de la question du financement mais aussi sur l’organisation globalement du système sanitaire, social ou médico-social.

L’UNA m’a fait cette proposition et j’ai accepté après quelques hésitations parce que j’étais bien où j’étais. Il n’y a pas de changement d’orientation de l’UNA du fait de mon arrivée, et elle reste sur les mêmes orientations.

Mon mandat consistera à mener et développer la fédération UNA dans le contexte social actuel que nous connaissons que ce soit sur le plan économique ou politique avec le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité.

L’ancien gouvernement, après de multiples annonces et un débat de 6 mois en 2011, n’est parvenu en définitive à aucune réforme. J’espère que nous ne nous relancerons pas dans la même mécanique avec le nouveau gouvernement.

Nous avons élaboré un certain nombre de propositions à cours et moyen terme, pour financer la dépendance de façon pérenne et équitable, mais aussi en matière de meilleure organisation du secteur en travaillant par exemple avec l’Assemblée des départements de France dans le cadre d’un collectif avec d’autres fédérations. Ce travail avec l’ADF s’élargit aux domaines du handicap et de l’intervention sociale auprès des familles.

 

Le fonds de restructuration a été annoncé et fut attendu par les structures de l’aide à domicile. On se rend compte que les attributions aux structures ne correspondent pas aux attentes. Quelles sont les retours sur la satisfaction des demandes que vous observez ?

Au moment des concertations en 2010-2011, il était à peu près acquis par tout le monde et en particulier la DGCS, qu’il faudrait injecter dans ce type de fonds environ 150 millions d’euros. Le fond représente 50 millions sur deux ans. Il y a dès le départ une grande différence entre l’évaluation des besoins et le résultat.

Concernant les résultats finaux, nous disposons à ce jour de résultats disparates. Un premier retour de 170 structures adhérentes de l’UNA, nous informait que leur demande équivalait à 37 millions. De ce fait, les structures de l’UNA demandaient plus que ce dont le fonds disposait. Nous constatons de suite que les résultats ne sont pas à la hauteur des besoins.

Sur la répartition, il y aura certainement des différences assez fortes du fait des implications assez diverses des ARS : certaines se sont vraiment investies et ont essayé de trouver les solutions les plus appropriées, d’autres moins. Intervenir sur ce secteur était une nouveauté pour les ARS. Un point devrait être réalisé prochainement à la CNSA. Nous encourageons au travers de ce fonds de restructuration, nos responsables régionaux à rencontrer les ARS pour inclure nos réseaux dans les évolutions futures d’une autre organisation du système de soins et d’accompagnement en région. De notre point de vue, il n’y aura pas de réorganisation complète et sérieuse du secteur sanitaire si on n’y inclut pas les services à domicile.

Aujourd’hui, l’aide à domicile et les services à la personne sont un peu au milieu du gué. Avec le nouveau gouvernement, quelle est la stratégie et les priorités de l’UNA compte tenu des difficultés économiques de nombre de structures ?

 Avec ce changement de majorité législative, nous nous trouvons dans une configuration où le pouvoir c’est à dire l’État, les régions, les départements, est dans les mains de la majorité présidentielle. Ainsi, ce que nous avons initié entre les fédérations d’aide à domicile et l’Assemblée des départements de France (ADF), en matière de réforme de la tarification, du mode d’organisation, des relations entre les conseils généraux et nos structures d’aide à domicile, pourrait trouver un soutien de l’État, qui dans ce cadre-là était resté jusqu’à présent relativement en retrait. Le but n’est pas forcément d’appliquer d’une façon pure et dure de ce que nous avons signé avec l’ADF, mais l’idée est de favoriser des expérimentations grandeur nature dans tous les départements afin de pouvoir tirer les enseignements et mesurer, indépendamment de financements nouveaux, comment mieux organiser les relations entre les conseils généraux, les collectivités locales et les fédérations.

Dans le même temps, il demeurait dans les tuyaux une réforme de financement des services de soins infirmiers à domicile et nous aimerions que l’État groupe la réflexion du changement de mode et de tarification des services d’accompagnement avec ceux de la réforme des services de soins infirmiers à domicile.

Les débats de l’année dernière sur la réforme de la dépendance n’ont pas été inutiles. Ils ont permis de faire le constat de tout ce qui existe et de tout ce qu’il faudrait faire dans ce secteur. Il faut effectivement prendre un certain nombre de décisions mais, tout est aujourd’hui en magasin si je puis dire.

Les débats de l’année dernière ont certes mis en lumière les problèmes de financement mais aussi des problèmes d’organisation du système de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées. Nous pensons qu’aujourd’hui au travers des ARS, en lien avec les conseils généraux, il faut parvenir à marquer une véritable évolution dans la forme d’organisation de l’aide et de l’accompagnement sanitaires et médico-sociales. Il y aura des possibilités d’expérimentations dans les régions d’initiatives diverses. On constate d’ailleurs que l’accompagnement à domicile semble pour l’instant largement ignoré, mais nous allons essayer de pousser à notre petit niveau pour que nous nous dirigions véritablement vers une autre restructuration du système de soins.

Au cours de la campagne, François Hollande a évoqué la question du financement nécessaire pour la bonne marche du secteur par le biais de contribution de solidarité. L’UNA est sur cette ligne-là depuis plusieurs années. Même si des complémentaires peuvent intervenir, le socle de base du financement de la dépendance doit demeurer la solidarité nationale au travers des contributions sur tous les revenus de type CSG par exemple. La question qu’il est possible de poser au gouvernement est celle des échéances.

Dans la même lignée, François Hollande a parlé de doublement du plafond de l’APA. En effet, il existe 2 principaux problèmes en matière de financement de l’APA. Le premier réside dans la distorsion entre le niveau national et le niveau local. Les départements financent l’APA à plus de 70 % et cela étrangle les finances locales. Il faut ainsi desserrer l’étau sur les départements, au moins ceux connaissant le plus de difficultés. Le second concerne le financement des personnes les plus dépendantes. Les plafonds d’aide peuvent ne pas être assez élevés pour certains. Pour d’autres, ils peuvent correspondre peu ou prou, mais par contre, le reste à charge des bénéficiaires est trop important. Il est important pour nous de mettre l’accent sur les personnes les plus dépendantes. C’est aussi un point sur lequel François Hollande avait mis l’accent aussi pendant la campagne.

Mme Delaunay, la nouvelle ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de la Dépendance,   semble avoir dit que ce n’est pas dès les premières semaines de juillet que serait mis en place une grande réforme, mais il faut effectivement qu’il y ait un certain nombre de réponses au moins de manière calendaire pour ne pas recommencer ce que nous avons connu de juin 2007 à la fin du mandat précédent.
 

Quels sont les projets de l’UNA en matière de modernisation de son fonctionnement ?

Tous les grands réseaux de l’aide à domicile sont engagés depuis quelques années dans des démarches de modernisation importantes, aidés en cela d’ailleurs par la CNSA qui dispose d’un budget spécialement dédié à la modernisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Nous en avons bénéficié comme les autres réseaux, ce qui nous a permis d’accélérer la modernisation de notre réseau sous diverses formes : mutualisation se traduisant parfois par des fusions, amélioration de la qualité, amélioration de la gestion des emplois, des compétences.

Cette professionnalisation va provoquer des changements dans le mode d’organisation. Nous sommes organisés actuellement en union départementale et vaguement en région. Nous sentons bien que la professionnalisation ne peut être gérée par le siège national. Ce sont bien les structures intermédiaires, soit départementales, soit régionales qui pourront développer des compétences en termes d’aide à la gestion, à la formation, dans le domaine juridique. En définitive ces structures qui étaient davantage dédiées à la coordination risquent de devenir des structures constituant des mouvements militants et sur lesquelles pourront s’appuyer des services pour répondre à leurs besoins.

Par ailleurs, nous sommes aujourd’hui amenés à nous interroger sur qui fait quoi dans les départements ou les régions. L’émergence des ARS fait qu’il nous faut structurer un peu les choses pour être en capacité de discuter avec des interlocuteurs aux différents échelons.

A l’avenir, se dirigeront vers nos services de plus en plus de personnes qui auront connu dans toute leur vie d’actif, une bonne protection sociale, et qui auront au moment de leur entrée en dépendance des demandes assez précises en matière de services de qualité. Ainsi, les services proposés par l’UNA ou par la concurrence, qui ne rendront pas des services de qualité sont voués selon nous à mal finir et à ne pas pouvoir continuer à œuvrer.

C’est à ce moment qu’intervient le débat politique et notre idée de continuer à construire une prise en charge de la dépendance assise sur la solidarité nationale. Dans le cas contraire, il pourra y avoir un développement de services de qualité mais plutôt chers et assis par exemple sur la base de couvertures complémentaires avec des services plus bas de gamme pour ceux n’ayant pas les moyens.

Nous souhaitons continuer à offrir des services de qualité pour l’ensemble de la population mais pour cela, il faut des prestations sociales adaptées en fonction des revenus, qui permettent aussi bien aux pauvres qu’aux couches moyennes d’accéder à ces services. C’est un enjeu extrêmement important aujourd’hui. Il existe un problème par exemple au niveau des couches moyennes, qui se trouvent en situation difficile avec des restes à charge importants dès qu’ils entrent en dépendance lourde. Il ne faut pas construire un système à deux vitesses.

 

On sait l ‘UNA attachée aux conditions de travail de ses intervenants. La nouvelle convention collective est-elle un plus ? Quelles sont les mesures en matière d’amélioration de ces conditions de travail ?

La convention collective se met en place et comme toute convention collective, il existe des difficultés en matière d’application dans les structures. Les difficultés sont accrues du fait qu’une partie des syndicats étaient en désaccord avec certains aspects de cette convention. Mais par exemple, la prise en charge d’une partie de la cotisation mutuelle, contestée parfois au départ se met en place dans de bonnes conditions. Plus largement, nous avons un problème dans l’encadrement de nos possibilités d’augmentation de la masse salariale qui sont contraintes par les consignes ministérielles faisant que, nous n’avons plus depuis trois ans de négociations salariales possible. On ne peut ainsi faire aucune mesure salariale.

Nous assistons de ce fait à un mécontentement croissant des salariés au sein du réseau, ces salariés étant fréquemment à temps partiel et de ce fait sont des travailleurs pauvres. Il existe bien entendu des temps partiels choisis mais il y a selon la dernière étude de la DREES, 38% des intervenants déclarent vouloir travailler davantage.

En outre, le  probable coup de pouce au SMIC qui demeure largement justifié, en l’absence de mesures pour desserrer l’encadrement salarial dans nos structures, rendra les choses inextricables, d’où une demande de rencontre avec Michel Sapin, avec les 3 autres fédérations, (ADMR, ADESSA, CSF), qui sont les négociatrices avec UNA de l’union syndicale de branche. Il faut faire en sorte que nos structures puissent prendre le choc d’une augmentation plus importante que prévu du SMIC. Cet enjeu doit être pris en compte rapidement au niveau des ministères afin de régler cette question.

Un autre sujet nous tient à cœur. On compte en effet 5,2 accidents de travail pour 100 salariés des structures d’aide à domicile contre 3.8 accidents dans l’ensemble des branches professionnelles. Reconnaître ces métiers en tant que métiers pénibles aurait également un effet en termes d’annuités nécessaires à la retraite et par conséquence un impact direct sur la santé des salariés âgés et l’accidentologie. Enfin, toujours avec les trois autres fédérations, nous demandons à rencontrer Marisol Touraine pour engager un dialogue sur les thèmes qui entrent dans nos domaines d’intervention : personnes âgées, personnes handicapées, famille, petite enfance.

 

Pour aller plus loin : http://www.una.fr/