Entretien avec Arnaud Tranchant, responsable du pôle inspection, contrôle, audit, réclamations, évaluation de l’ARS Nouvelle-Aquitaine

Nous nous sommes entretenus avec Arnaud Tranchant, responsable du pôle inspection, contrôle, audit, réclamations, évaluation de l’Agence Régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine, au sujet du plan de contrôle des EHPAD réalisé en Nouvelle-Aquitaine.

L’affaire Orpéa, scandale ayant révélé des lourds dysfonctionnements dans les EHPAD, a mené à une commande ministérielle de contrôle exhaustif de l’ensemble des établissements sur deux ans, de 2022 à 2024. Ce sont les ARS qui avaient la charge du pilotage de ce plan, une des deux entités autorisées au contrôle des EHPAD, avec les Conseils départementaux. Les deux ont les mêmes prérogatives de contrôle de champ de l’inspection de contrôle depuis la réforme du code de l’action sociale et des familles (CASF) de 2018, bien qu’elles soient compétentes sur des champs différents : L’ARS contrôle la partie soins et la prise en charge de ces derniers, tandis que le Conseil départemental contrôle la partie hébergement et dépendance.

 Les inspections de contrôle commandées n’avaient rien de nouveau pour l’ARS Nouvelle-Aquitaine : « on a toujours conservé antérieurement la mobilisation et la capacité à faire des contrôles sur site dans les EHPAD, » précise M. Tranchant. En effet, entre les coupes PATHOS (visite d’un médecin de l’ARS dans un établissement pour l’évaluation des niveaux de soins nécessaires), les CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) et les inspections de contrôle, les EHPAD de Nouvelle-Aquitaine sont estimés être visités au moins tous les cinq ans. Le plan de contrôle mis en place en 2022 requérait simplement un autre niveau de mobilisation pour l’ARS Nouvelle-Aquitaine. Il fallait organiser en interne les ressources d’inspecteurs et déterminer comment « adapter [la] manière d’inspecter à objectifs assignés en respectant les éléments de procédure et les objectifs qualitatifs ».

 Le plan a d’abord été initié autour d’« inspections flash », menées dans une trentaine d’établissements en région Nouvelle-Aquitaine dès le début de l’année. La communauté médicale de l’ARS, sous le pilotage du professeur Patrick Dehail, conseiller médical et scientifique, a élaboré à cet effet une « grille de contrôle flash », centrée sur certains items particuliers relatifs aux soins en EHPAD. Parmi ces items : la facilitation de la mobilité des résidents, le suivi de la nutrition, les ressources humaines (pour vérifier la formation du personnel soignant), les soins bucco-dentaires, la prise en charge des escarres, de la douleur, le suivi médicale des éventuelles contentions des résidents, l’accompagnement des problématiques comportementales des résidents, ou encore les relations avec les familles. Cette grille s’est avérée efficace et a donc été conservée pour la suite du plan. En Nouvelle-Aquitaine, les contrôles étaient tous réalisés de manière inopinée et mobilisaient une équipe d’inspecteurs de l’ARS, un agent administratif, mais aussi un inspecteur en qualité de médecin, une compétence essentielle pour pouvoir investiguer la qualité de la prise en charge des soins. En effet, pour juger de cela, il faut accéder aux informations médicales du patient, une capacité dont seul un médecin dispose. Les inspections flash ne débouchaient sur aucune mesure coercitive pour les établissements : à l’issue du contrôle, l’ARS envoyait un courrier de clôture de l’inspection accompagnée de la grille de contrôle complétée, éventuellement accompagnées de recommandations.

 Cependant, quand l’équipe d’inspecteurs détectait un dysfonctionnement à l’issue de la première inspection flash, l’établissement faisait l’objet d’une seconde visite plus conséquente. Il pouvait alors recevoir des mesures coercitives au terme de celle-ci, à savoir une prescription, où l’établissement doit se conformer de manière impérative, ou une injonction, quand il encourt en plus une sanction en cas de non mise en conformité. Au total, ce sont 16 établissements en Nouvelle-Aquitaine qui ont fait l’objet de ce type d’inspection.

 Certains établissements avaient préalablement été identifiés comme potentiellement dysfonctionnels avant la première vague d’inspections flash. Ils ont donc reçu des contrôles plus approfondis dès cette première phase, alors réalisés à l’aide de grilles explorant les différentes fonctions de l’établissement de manière plus exhaustive. Les EHPAD en question étaient identifiés grâce aux outils internes de l’ARS, notamment en termes de recueil de données, et grâce à son rôle de destinataire de signaux, comme les réclamations d’usagers ou les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS).  La consigne de contrôle exhaustif de tous les EHPAD a ensuite été confirmée jusqu’en décembre 2024.

Les premières inspections flash étaient souvent réalisées en lien avec le département, une collaboration que l’ARS essaie toujours de privilégier. En effet, elle permet un contrôle plus complet, portant sur l’entièreté du périmètre d’action d’un EHPAD, puisque l’ARS en elle-même est limitée au champ du soin. Bien que les conseils départementaux soient libres de s’associer ou non au plan de contrôle, leur participation influe nécessairement sur le choix des modes d’intervention de l’ARS.

Le bilan de plan de contrôle est positif à plusieurs égards. Dans un premier temps, il a fourni une photographie de l’ensemble des établissements à l’ARS, grâce aux 800 inspections flash et 78 contrôles plus approfondis menés. Dans la Vienne, l’intégralité du plan de contrôle a pu être déployé, avec une participation du département dans la très grande majorité des cas. Ce travail conjoint entre l’ARS et les départementaux est une tendance générale du plan de contrôle mis en œuvre, ce qui a permis un rapprochement général entre les deux entités.

 Concernant les bonnes pratiques, l’ARS a pu observer que les établissements respectaient particulièrement leurs autorisations, sans surcapacité ou utilisation des capacités à d’autres fins que celles autorisées. De plus, les établissements étaient pour beaucoup engagés dans des démarches actives pour conserver leurs agents, avec la mise en place de plans de formation ou la promotion professionnelle.

 Le plan de contrôle a cependant mis en avant des difficultés structurelles déjà connues dans le secteur du médico-social, à savoir l’attractivité des métiers, mais aussi des insuffisances notables, comme l’appropriation des protocoles, peu appliqués par les équipes en place, un circuit du médicament pas toujours aussi maîtrisé qu’il devrait l’être et un problème de respect du cadre légal de réévaluation du cadre du cadre légal de réévaluation médicale des contentions.

Ces contrôles ont ainsi mis en évidence des insuffisances opérant à l’échelle individuelle des établissements. Il s’agit là d’un facteur positif, puisque l’ARS peut ainsi conduire une stratégie d’accompagnement des EHPAD à prendre en compte pour les prochains contrôles. Par ailleurs, le plan régional des EHPAD de 2025 tient déjà compte de ce qui a été observé entre 2022 et 2024.

Vous pouvez accéder au bilan complet du plan de contrôle des EHPAD en Nouvelle-Aquitaine ici.

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