Entretien avec Mélodie Delépine, chargée de mission Action territoriale au Gérontopôle Pays de la Loire

Nous nous sommes entretenus avec Mélodie Delépine, chargée de mission Action territoriale, pour discuter de la nouvelle étude « Transition écologique et démographique : défis et perspectives » du Gérontopôle Pays de la Loire.

Au nombre de 12 en France, quasiment un pour chaque région, les gérontopôles sont des lieu de rencontre, de convergence et de concertation des acteurs régionaux portant des initiatives en faveur du bien-vieillir. Ils sont notamment en charge du montage, de l’accompagnement ou de la réalisation de projets et d’études d’intérêt général concernant le vieillissement.. Celui du Pays de la Loire, porteur de l’étude « Transition écologique et démographique : défis et perspectives », est une association fondée en 2019 à l’initiative du professeur Gilles Berrut, qui fonctionne en partenariat avec les CHU de Nantes et d’Angers, ainsi que la Chambre de commerce et de l’industrie du Pays de la Loire. Il comprend 220 adhérents et est composé de 7 collèges, tous dédiés à des acteurs spécifiques. Ces collèges d’universitaires, collectivités territoriales, entreprises, laboratoires, services d’aide à domicile ou associations d’usagers gravitent tous autour du bien-vieillir. Leurs domaines d’intervention comprennent la formation auprès des professionnels, les personnes âgées, la recherche avec les CHU (membres fondateurs), le développement économique autour de la Silver Économie, ou encore l’accompagnement au territoire.

 Chaque gérontopôle investit un champ particulier du bien-vieillir, dans une volonté commune d’explorer des sujets neufs et inédits. C’est dans cette démarche que le Gérontopôle Pays de la Loire a réalisé l’étude « Transition écologique et démographique : défis et perspectives », souhaitant ainsi pallier l’absence de recherche sur l’intersection de ces deux transitions opérant pourtant sur la même temporalité, mais aussi pour proposer des pistes d’action concrètes.

 L’étude s’est d’abord structurée autour d’un état de l’art, entamé après la tenue d’un colloque sur la mobilité durable, dont le succès a propulsé cette première étape. Ce sont ensuite des regards d’experts sur les deux transitions qui ont pu être croisés, au travers d’un atelier d’intelligence collective. Lors de ces ateliers se sont réunis des experts en urbanisme et aménagement, des acteurs de la transition écologique, des gériatres (comme le professeur Gilles Berrut, président fondateur du Gérontopôle Pays de la Loire), des membres du comité d’experts du Gérontopôle, des structures (ADDRN, ADEME, AURA, AURAN, CEREMA, Comité 21 Grand Ouest, Malakoff Humanis, Météo France)… C’est la confrontation de ces deux démarches qui a permis de formuler les préconisations que l’on retrouve dans l’étude.

On retrouve au centre de l’étude la volonté générale de représenter les séniors à la hauteur de leur capacité d’action dans les collectivités locales, et ne pas que les représenter seulement comme des bénéficiaires.  

Ciblée spécifiquement sur la région Pays de la Loire, l’étude se veut avant tout un outil destiné à sensibiliser et mobiliser les acteurs locaux autour de ces enjeux. C’est dans ce but qu’elle fournit des chiffres précis sur les profils et enjeux du vieillissement en Pays de la Loire Environ 30 % des habitants de la région résident près des côtes, et ce recul affecte non seulement les logements, mais aussi les services situés en bord de mer, accentuant les vulnérabilités. Il faut donc prioriser ces territoires face au changement climatique, en prenant en compte les revenus et ressources disponibles. Le Gérontopôle préconise également de développer une culture du risque, en formant les séniors aux gestes adaptés face aux crises, puisque ce sont eux qui le plus à risque de mortalité dans ces situations. Pour cela, des simulations d’urgence (sur le modèle de ceux réalisés pour les attentats) peuvent être organisés avec les collectivités, pour que les séniors se familiarisent avec les protocoles de sécurité. Il faut également prévoir des investissements spécifiques à chaque territoire : si les zones rurales et littorales comportent des risques climatiques, les zones urbaines également, notamment en termes de fortes chaleurs ou d’émissions de GES.

Un autre enjeu de l’étude était de lutter contre le cloisonnement des générations, qui se manifeste par des idées reçues. En effet, les séniors ne sont pas les plus grands consommateurs et les jeunes ne sont pas systématiquement les plus écoresponsables. Les séniors, au contraire, ont souvent adopté des pratiques sobres et un rapport mesuré à la consommation. Cela illustre l’importance des échanges intergénérationnels, porteurs de bénéfices mutuels, ainsi que la nécessité d’un travail approfondi sur les imaginaires et les représentations sociales liées aux âges. À ce jour, ce sujet reste encore peu exploré. Cela soulève aussi la nécessité de réaliser un travail sur les imaginaires et les représentations sociales de classes d’âge, puisque le travail mené avec les acteurs de la transition écologique a révélé une certaine méconnaissance de leur part des enjeux autour du vieillissement, et du rôle des séniors en tant qu’acteurs de leur vieillissement.

L’habitat occupe également un pan important de l’étude. Cela comprend les questions de rénovation énergétique, l’adaptation du logement au vieillissement, la question des énergies renouvelables dans les habitats ainsi que la proximité avec les services. En effet, il a été observé que beaucoup de territoires ou de personnes peuvent tomber dans l’isolement car ils sont trop éloignés des services, ce qui oblige donc à la planification territoriale. Concrètement, cela signifie penser des modèles domiciliaires différents (intergénérationnel ou partagé, par exemple), de changer l’image de l’EHPAD et de sortir du modèle pavillonnaire, mais aussi de repenser les mobilités. Il faut privilégier les mobilités douces et accessibles comme le vélo ou la marche, à la fois pour des questions écologiques comme sanitaires. Dans un même effort de réduction de la dépendance à la voiture, il est primordial de localiser les habitats près des services essentiels.

Certaines recommandations formulées par l’étude invitent en outre à proposer des solutions sur le plan politique. D’abord car elle suggère de tendre vers une politique publique décentralisée, permettant de coordonner les politiques locales et nationales pour des dispositifs sur mesure à chaque territoire, mais aussi car elle cherche à impliquer les citoyens concernés. Elle encourage les espaces mutualisés, lieu d’échanges sociaux, sur la base du fonctionnement participatif. C’est ainsi qu’émergent des propositions, comme celles faites lors de la Convention Citoyenne pour le Climat, que cette étude réemploie, ou lors des groupes de travail. Tout cela doit mener à terme à la désignation d’« ambassadeurs du changement », des citoyens qui permettrait de mieux représenter la diversité des cibles (personnes issues de l’immigration, malentendants, malvoyants, etc.) pour mieux former et sensibiliser.

La prochaine étape pour le Gérontopôle Pays de la Loire est d’aller rencontre les personnes âgées directement, ce qu’elle n’a pas encore eu l’occasion de faire. En 2025, il compte donner une voix à ces dernières en ciblant spécifiquement les plus précaires ou les plus vulnérables face aux risques climatiques. Conscient que leurs campagnes sont parfois trop axées sur le numérique, et donc inaccessibles pour une population moins connectée, le Gérontopôle a l’intention d’organiser des entretiens approfondis, des ateliers et des focus groups. Tout cela dans le but de donner l’opportunité aux séniors de réfléchir et proposer eux-mêmes des actions concrètes et des moyens de communication pour anticiper les crises écologiques à venir.

Retrouvez l’étude complète « Transition écologique et démographique : défis et perspectives » du Gérontopôle Pays de la Loire ici.

Verified by MonsterInsights