La revalorisation de l’allocation d’autonomie et le droit au répit des aidants sont entrés en vigueur le 1er mars. Mais la mise en route sera complexe.

Réduire le reste à charge sur les prestations à domicile pour les personnes âgées et accorder à leurs proches du répit en leur permettant de souffler : la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la création du droit au répit sont deux mesures phares de la loi « vieillissement », parue fin décembre. Elles sont officiellement entrées en application le 1er mars, à la charge désormais des départements de se mettre en ordre de marche.

Un travail considérable

Il faut d’abord revoir les plans d’aide des bénéficiaires de l’APA et, quand ils sont “saturés” [utilisés à leur maximum], augmenter les plafonds selon les nouveaux critères. Pour les personnes les plus dépendantes, en Gir 1, le supplément peut aller jusqu’à 400 euros par mois, soit une vingtaine d’heures d’aide à domicile. Au total, 180 000 personnes seraient concernées.

Ce travail de révision va être considérable, soulignent les départements. « Nous sommes prêts à mettre en place les dispositifs le plus rapidement possible, mais il faut tenir compte de la réalité », prévient-on à l’Assemblée des départements de France (ADF). Tous les plans devront avoir été revus à la fin de 2016. « C’est beaucoup de travail humain pour aller à la rencontre des personnes âgées, à leur domicile, avec parfois la nécessité de voir l’ensemble de la famille », indique l’ADF. Sans la rencontre avec les proches, impossible de savoir s’il faut mettre en place le droit au répit.

Cet afflux de travail « oblige à recruter », annonce l’ADF. La Charente-Maritime a évalué le besoin à sept postes, mais « dans le Nord, c’est financièrement impossible », affirme Geneviève Mannarino, vice-présidente du conseil départemental chargée de l’autonomie.

Même sans recrutement, les agents ont besoin d’être formé à leur nouvelles missions, notamment pour détecter les besoins des aidants des personnes âgées, rappelle par ailleurs l’ADF. « Quand je suis allée au conseil département, fin janvier, demander des renseignement sur le droit aux aidants, on m’a répondu que comme ma mère touche l’APA, je n’y ai pas le droit… Complètement faux », raconte, un peu désabusée, une responsable de l’Union nationale des réseaux de santé (UNR Santé). C’est en effet le contraire mais il faut que les agents qui renseignent le public puissent avoir le temps de se familiariser avec le nouveau dispositif…

Méfiance des professionnels du secteur

Les services d’aide à domicile craignent du coup beaucoup de retard dans la mise en application de la loi, et notamment dans le planning de révision des dossiers .« Cela doit se faire rapidement, sinon l’enveloppe allouée par le gouvernement ne sera pas complètement utilisée » et sera donc perdue, affirme la directrice générale de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), Nicole Streignart. Pour elle, les CD doivent se concentrer sur les 180.000 plans d’aide saturés, « ils n’ont pas besoin de tous les revoir en urgence », soulignait-elle lors des Journées nationales de l’UNA, début février.

Les fédérations d’aide à domicile attendent donc impatiemment de voir les premières révisions, d’autant plus qu’elles sont déjà échaudées par le comportement de certains départements sur des fonds qui leur ont été alloués.

En novembre, le gouvernement annoncé un nouveau fonds de restructuration de 25 millions d’euros pour les services d’aide à domicile. L’argent, versé aux départements en février, n’est pas encore arrivé aux associations. « Sur une vingtaine de fédérations locales qui ont demandé à leur conseil départemental où en était le versement, aucune n’a eu de réponse concrète », dénonce Thierry d’Aboville, de l’ADMR, réseau associatif.

Contrôles pour rassurer

Les fédérations craignent donc que l’argent touché par les départements pour l’APA et le droit au répit n’aille pas aux personnes âgées. Pascale Boistard, la secrétaire d’Etat chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, a donc voulu les rassurer. Mi-mars, elle a réaffirmé, devant les représentants des fédérations départementales du réseau ADMR,  la volonté gouvernementale, soulignant qu’elle attendait « de tous les acteurs qu’ils prennent leurs responsabilités » et cela avec « obligation de résultat ».

Elle a ainsi présenté à la fédération les modalités de contrôle qui vont être mises en place par le gouvernement pour vérifier l’utilisation des nouveaux fonds : « la CNSA suivra l’utilisation des fonds donnés au départements », a expliqué la ministre, et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) fera une étude trimestrielle sur la mise en place du droit au répit et la revalorisation de l’APA. Le but est de s’assurer « que les crédits aillent à ceux qui en ont besoin et à ceux qui travaillent avec eux ».

 

« Les fonds ne doivent pas être une mesure d’ajustement pour les départements »

Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’ADMR, réseau associatif de services à la personne

Nous nous réjouissons de plusieurs dispositifs de la loi, cela va dans le bon sens. La crainte de l’ADMR concerne l’utilisation des fonds, qui ne doivent pas être une mesure d’ajustement du budget des départements. Ils sont vraiment destinés aux personnes âgées. Il n’y a pas de mauvaise volonté de la part des départements, qui subissent de grandes pressions financières. Mais, par les remontées de nos 94 fédérations locales, nous voyons que les discussions avec les départements sont très tendues. Si les 375 millions d’euros sont vraiment redistribués, on ne pourra que s’en réjouir, mais les personnes âgées vont-elles avoir un retour ? Nous serons heureux quand cela se traduira dans les plans d’aide, mais comment voulez-vous contrôler que les fonds seront bien attribués ? Ce n’est pas l’Etat qui va le faire…

Source : http://www.lagazettedescommunes.com

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